Formation Yoga Thérapie et Handicap du 7 au 9 avril 2020 Maison du Maroc - Cité Universitaire - Paris

L’application du yoga thérapeutique pour des personnes atteintes de handicaps – la paralysie cérébrale, Dr Natesan Chandrasekaran

Malgré l’annulation de la venue du Dr. Natesan Chandrasekaran en avril dernier, ce dernier nous a partagé une partie de l’enseignement qu’il se proposait de nous transmettre.
Le 5 mai et le 15 juin derniers, nous publiions sur le site de la VFF deux articles du Dr N.C. sur la yoga-thérapie et le handicap avec un focus sur la trisomie 21.
Voici donc la suite, avec un zoom sur la paralysie cérébrale. Bonne lecture à tous.tes.

I Introduction

La paralysie cérébrale est un trouble du système nerveux causé par une lésion cérébrale non-progressive ou une malformation survenant pendant le développement du cerveau, avant, pendant, ou après la naissance. Alors, le contrôle, la coordination, la force et le réflexe musculaire sont atteints, de même que la posture et l’équilibre de l’enfant.

La paralysie cérébrale est un dysfonctionnement du système physique moteur. En général, ce trouble n’affecte pas le langage ni les capacités mentales. Lors de la forme sévère de cette maladie, dans laquelle les quatre membres sont affectés (quadriplégie spastique ou quadriparésie), il peut y avoir une lésion du cerveau plus étendue. Cette affection peut être reliée à un handicap mental de modéré à sévère.

Les signes de paralysie cérébrale surviennent en général au cours des premiers mois de la vie, mais de nombreux enfants ne sont pas diagnostiqués avant 2 ans ou plus.

En général, les signes premiers de paralysie cérébrale comportent des retards de développement. L’enfant tarde à franchir les étapes telles que se retourner, s’asseoir, la progression à quatre pattes et marcher.

Symptômes

Tout d’abord, ce trouble neuronal ou lésion, ou malformation, affecte les muscles. En résultat, l’individu affecté peut manifester un large éventail de symptômes. Cela peut se manifester par une simple perte de contrôle musculaire, ou sous sa forme sévère, par l’incapacité à marcher. Cette maladie peut aussi affecter les mouvements du corps, le contrôle musculaire, les réflexes, la posture, l’équilibre, la rigidité ou raideur des articulations, créer un boitement, des mouvements incontrôlés, ou la difficulté à contrôler les muscles des mains et des pieds.

Certains individus peuvent avoir des difficultés à avaler, à cause d’une production trop importante de salive, et d’autres peuvent présenter un déséquilibre des muscles des yeux, qui fait que les deux yeux ne fixent pas le même objet, d’autres peuvent avoir des difficultés à parler.

Examen

Se renseigner auprès des parents :

  • Demander aux parents le retard dans les étapes du développement pendant la petite enfance.
  • Demandez aussi l’historique des crises.
  • Demandez les retards spécifiques dans les étapes de développement moteur, comme pousser sur les bras, s’asseoir ou marcher à quatre pattes.

L’examen des muscles du squelette va révéler les choses suivantes :

  • Chercher s’il y a des signes pour favoriser un seul côté, atteindre un objet avec un seul bras, ou traîner une jambe dans le quatre-pattes.
  • Chercher s’il y a des signes de bave ou des difficultés à avaler ou à parler.
  • Vérifier la tonicité des muscles. La tonicité musculaire peut être soit trop rigide (spasticité), soit trop souple.
  • Chercher s’il y a des déséquilibres à la marche ou en position debout.
  • Chercher aussi s’il y a des problèmes de coordination.
  • Chercher s’il y a des tremblements ou des mouvements involontaires de torsions.
  • Regarder l’aisance à la marche. Regarder aussi la démarche. Par exemple, marcher sur la pointe des pieds, accroupi, en ciseaux, à grandes enjambées, ou de façon symétrique, pourra faire ressortir ce problème neurologique.
  • Regarder les difficultés à accomplir des gestes fins comme boutonner un vêtement ou attraper des ustensiles.

La paralysie cérébrale peut affecter tout le corps ou peut être limitée en grande partie à un seul membre, ou à un seul côté du corps. Le trouble neurologique créant la paralysie cérébrale n’évolue pas dans le temps donc habituellement, les symptômes ne s’aggravent pas avec l’âge. Toutefois, en grandissant, l’enfant peut avoir des symptômes plus ou moins manifestes.

Et la rigidité ou le raccourcissement musculaire peuvent s’aggraver s’ils ne sont pas traités correctement.

Les dérèglements neurologiques associées à la paralysie cérébrale peuvent aussi conduire à d’autres problèmes comme :

  • Difficultés de vision et d’audition
  • Handicaps intellectuels
  • Crises/ convulsions
  • Perceptions au toucher et à la douleur affectées
  • Maladies buccodentaires
  • Maladies mentales
  • Incontinence urinaire

Nous avons jusqu’à maintenant discuté de la pathologie de la paralysie cérébrale, des différentes façons dont elle se présente, du déroulement et de certaines complications futures. Nous savons également que chaque personne affectée de cette maladie est différente d’une autre.

Mais notre étude de départ va nous informer sur les spécificités importantes à ne pas manquer au moment de l’examen, avant de donner de la yoga thérapie.

 

Application de la yoga thérapie

I Application d’huile

Une application régulière d’huile sur tout le corps chaque jour, est la base de l’application thérapeutique du yoga pour cette pathologie. Comme nous l’avons vu, la manifestation pathologique principale de ce problème se trouve dans les muscles et de plus, l’affliction est sous forme de spasticité. Les muscles sont tenus dans une sorte de semi-contraction. L’application régulière d’huile va aider les tissus du corps, incluant les muscles, à s’assouplir et se relâcher, et de là, aider les muscles à être travaillés. L’application thérapeutique du yoga sera possible seulement quand l’ensemble du corps physique sera préparé par l’application d’huile ce, tous les jours.

N’importe quelle huile, de cuisine fera l’affaire. Elle doit être légèrement chauffée sur une source de chaleur indirecte avant l’application. L’huile doit s’imbiber dans le corps pendant au moins 45 minutes. Utilisez ce temps pour des pratiques physiques et du yoga.

II Thérapie Physique

La kinésithérapie est aussi très importante pour tous les individus atteints de paralysie cérébrale.

De même que l’application d’huile, les exercices de kinésithérapie doivent être continués pendant toute la vie. Par kinésithérapie nous entendons que les mouvements sont effectués par une autre personne sur les articulations de la personne affectée. La personne affectée doit faire les mouvements de manière passive. Comme les muscles affectés sont spastiques, la personne concernée ne peut pas réellement faire les mouvements elle-même. Si la personne ne fait pas bouger les muscles affectés de façon spécifique, le rétrécissement et la rigidité des muscles va alors s’aggraver. Une autre chose importante à savoir par tout yoga thérapeute, c’est que la personne atteinte n’a pas besoin d’un kinésithérapeute pour faire ce travail.

Les yoga thérapeutes doivent savoir clairement ce que chaque individu doit faire et l’enseigner à une des personnes de la famille.

Au sujet des mouvements de kinésithérapie, toutes les personnes atteintes ont besoin de deux types de mouvements passifs :

 

1- Des mouvements simples en dynamique pour toutes les articulations dans tous les sens possibles 

Les thérapeutes doivent diviser le corps en 9 articulations principales telles que, chevilles, genoux, bassin, lombaires, dorsales, haut du dos incluant la nuque, épaules, coudes et poignets.

Il faut aussi prendre en compte chaque orteil et chaque doigt séparément. Si nous pouvons amener (sans charge du corps) des mouvements dynamiques (répétitifs) pour chaque articulation, dans tous les sens possibles (chaque articulation ayant sa propre amplitude et sens de mouvement), alors nous aurons donné toute la mobilité nécessaire à l’ensemble du corps. Ces types de mouvement doivent être fait au moins deux fois par jour.

 

2- Les muscles spastiques spécifiques et les articulations reliées à ces muscles doivent faire l’objet d’un soin adapté

Comme nous en avons parlé plus haut, l’affliction d’un groupe musculaire est différente pour chaque individu. Les yoga thérapeutes doivent étudier les groupes musculaires affectés et porter une attention particulière à ces muscles. Ils doivent étirer ces muscles dans le sens opposé à la spasticité. Quand ces mouvements sont effectués sur un corps au préalable enduit d’huile, la manœuvre devient plus aisée.

 

3- Divisez le corps physique en deux parties pour notre compréhension

L’étape suivante est de diviser le corps physique en deux parties pour notre compréhension de la méthode de notre travail thérapeutique. Nous savons que le développement de la spasticité des muscles est grandement différent selon les individus. Pour certaines personnes, la faiblesse peut se situer dans le bas du corps, le haut du corps ne montrant aucune faiblesse. Si une telle personne est assise sur une chaise, on ne peut discerner aucun handicap. A partir du haut du bassin, elles peuvent apparaitre aussi normales que n’importe qui d’autre. C’est seulement quand elles se lèvent et s’acheminent vers leur fauteuil roulant, que nous prenons conscience du sérieux de leur handicap. Dans certains cas sévères, les quatre membres peuvent être affectés.

 

Ainsi, afin d’organiser l’application du yoga thérapeutique, les thérapeutes doivent diviser le corps en deux parties de fonctionnalités.

  1. Les parties du corps fonctionnant normalement
  2. Les parties du corps dont le fonctionnement est affecté

Les yoga thérapeutes doivent savoir agir différemment selon ces deux groupes.

D’abord, ils doivent travailler sur le groupe musculaire normal ainsi que sur les articulations reliées à ces muscles normaux. L’objectif avec ce type d’application est de maintenir et d’améliorer l’efficacité fonctionnelle de ce groupe non-affecté de muscles et d’articulations. Un examen complet de l’individu, non seulement permettra de révéler les muscles et les articulations non-affectées par le processus de la maladie, mais aussi d’informer les thérapeutes sur l’amplitude de mouvement, la capacité et la force de l’élève. Les yoga thérapeutes doivent choisir des techniques appropriées et les modifier pour obtenir l’effet de maintien et de renforcement progressif de l’efficacité fonctionnelle des muscles et des articulations non-affectées. Cette étape est essentielle pour la simple raison que le groupe de muscles affectés ne pouvant travailler reste inerte, réduisant beaucoup la fonctionnalité du groupe de muscles normaux.

Ensuite, ils doivent progressivement travailler sur l’autre groupe de muscles et d’articulations affectés par le processus de la maladie. Là aussi, les thérapeutes doivent travailler avec un vinyāsa approprié (séquences intelligentes objectivées).

Ici, je dois admettre que je ne peux aller plus loin sans examiner réellement un individu en particulier. A ce propos, j’aimerais citer mon professeur, Śrī Desikachar. Il répétait inlassablement, “A moins d’examiner l’élève là devant moi, je ne vois pas comment poursuivre la yoga thérapie avec cette personne en particulier. Mon expérience passée, qui m’a permis d’examiner et de concevoir des séances pour des milliers de personnes souffrant de lombalgies, ne m’est d’aucun secours pour dessiner un cours adapté à cet élève en face de moi, qui a pourtant le même problème, une lombalgie”. Chaque élève est individuellement différent. Ceci est encore plus vrai pour les personnes porteuses de handicap.

En théorie, j’aimerais noter certains objectifs importants pour notre application thérapeutique du yoga sur des individus affectés de paralysie cérébrale.

Les principes importants sous-jacents à ce choix d’objectifs de progression sont :

Le travail le plus important du yoga thérapeute est de soulager les symptômes pour lesquels les élèves sont venus à la yoga thérapie.

 

Une fois ce stade atteint, notre objectif suivant est de préparer les élèves aux activités permettant de maintenir un niveau de vie normal de façon autonome. Dans le cas de la paralysie cérébrale, cet objectif est encore plus important. Les thérapeutes doivent étudier quelles sont les activités normales de l’élève et leur demander quelles sont celles qui leur sont difficiles, analyser et trouver les moyens de pouvoir les exécuter.

Tester les objectifs suivants : les individus affectés doivent pouvoir s’asseoir à partir de la position allongée ; se lever à partir de la position assise, et marcher (si possible), ou progresser sur une certaine distance ; ils doivent pouvoir atteindre leur fauteuil roulant ; se servir de leurs bras pour manœuvrer leur fauteuil, etc.

 

Une fois qu’ils sont à l’aise dans leurs activités de maintien de vie normale, l’objectif suivant est de les préparer à leur profession. Une formation professionnelle appropriée pourra certainement améliorer leur bien-être psychologique.

En vue d’atteindre ces objectifs, nous devons améliorer leur constitution physique. En raison de leur maladie, certaines parties de leur corps physique peuvent subir des complications avec le temps.

Les objectifs suivants peuvent les aider :

Objectif 1 : Travailler sur les lombaires, les articulations de la hanche et les os du bassin

Pour la plupart de ces personnes, la mobilité dépend entièrement de la chaise roulante. Cette position assise, surtout pendant une durée prolongée, stoppe la mobilité des lombaires (L4,5, & S1), des articulations de la hanche et les mouvements facilitateurs des os du bassin. De nombreuses personnes développent des complications dans ces zones sur le long terme et d’autres développent aussi une déviation de la colonne. Ainsi, afin d’éviter ces problèmes, les thérapeutes doivent concevoir des techniques appropriées pour agir sur ces zones.

 

Objectif 2 : Ouverture de la hanche

De par leur position assise sur le fauteuil roulant pendant une longue période, il y a rarement possibilité d’ouverture de la hanche. De cette position défavorable s’ensuit un déséquilibre dans l’alignement de la colonne, accompagnée du développement d’une cyphose prononcée. Il faut observer ces évolutions et concevoir des pratiques œuvrant dans le sens opposé.

 

Objectif 3 : Renforcer les bras

La plupart de ces personnes utilisent encore des fauteuils roulants qu’elles manœuvrent manuellement. Elles ont besoin d’une bonne force de bras pour pousser sur les roues. Le soir, quand les tâches de la journée sont terminées, elles ont besoin d’une détente correcte de toute la constitution incluant les bras.

 

Objectif 4 : Prendre soin de la constitution psychologique

De nombreuses personnes, à cause de leur handicap physique, souffrent également d’un trauma psychologique. La pratique du yoga est très efficace pour obtenir une certaine quiétude et une détente mentale de l’élève, vous trouverez des méthodes à conseiller dans la pratique du yoga en général. Si les élèves pratiquent avec confiance, ils obtiendront des résultats tangibles.

 

Objectif 5 : Affections de Vijñānamayam  

La paralysie cérébrale, d’après les principes du yoga, est un problème de vijñānamayam. La cause de ce problème réside dans les couches profondes du vijñānamayam. Seules les manifestations se trouvent au niveau du mental, des systèmes physiologiques et du corps physique. Les principes de yoga thérapie nous apprennent clairement que pour ces problèmes de vijñānamayam, l’acceptation et aller de l’avant est le seul moyen. Ce principe est plus facile à comprendre qu’à mettre en pratique. Les yoga thérapeutes doivent mettre à profit une bonne relation avec les élèves et des séances régulières de bilan pour inculquer ces principes de façon subtile et imperceptible. Une fois que le vijñānamayam des élèves est ouvert, notre travail est fait.

 

Objectif 6 : Le soutien de la famille

La paralysie cérébrale est un trouble dans lequel les membres de la famille et les parents proches sont touchés par la souffrance de l’individu. Ils jouent également un rôle important et nécessaire dans le bien-être des personnes affectées. Les yoga thérapeutes doivent comprendre cette situation et éduquer, former les personnes-soutien de façon appropriée.