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Le yoga et la femme

Quel que soit le cours de yoga fréquenté, quelle que soit la formation proposée, une évidence s’impose : les femmes sont plus nombreuses, nettement plus nombreuses que les hommes en France !

Ce fait si communément observé est cependant rarement commenté.

Dans cet article Bernard Bouanchaud jette sur ce phénomène un regard éclairant, à la fois historique et pragmatique, faisant sienne la vision prophétique de Shrî Krishnamacharya qui affirmait : « En fait, ce sont les femmes, et non les hommes qui porteront le flambeau du Yoga et de l’ordre (dharma) ».

Les textes fondateurs du yoga affirment la portée universelle de cette discipline. Aucun aphorisme des Yoga-Sūtra-s de Patañjali ne préconise la discrimination du fait de la religion, de l’âge ou du sexe. Cependant, de nos jours, en France, les cours de yoga sont fréquentés en majorité par des femmes. Très peu d’hommes semblent mettre le yoga sur la liste de leurs priorités. Sont-ils trop occupés (à travailler très dur puis à pratiquer un sport très « dur » pour bien évacuer leur stress), trop méfiants (yoga = secte), indifférents (« J’ai tout, je ne vois pas ce que ça m’apporterait de plus ») ou tout simplement non informés ?

Les femmes, en revanche, semblent s’être passé le mot et affluent vers les cours. Il est vrai que traditionnellement plus soucieuses de leur apparence physique et plus à l’écoute de leur corps, elles peuvent être tout naturellement attirées par le yoga qui leur propose un excellent moyen d’entretenir leur forme. Lorsqu’elles sont engagées dans cette voie, les liens subtils entre le corps et le psychisme se révèlent progressivement. La forme physique recherchée engendre la détente, le bien-être général et, éventuellement, une harmonie entre corps et esprit se traduisant par une paix intérieure profonde qui transforme la personnalité.

Yoga : pour les hommes ou pour les femmes ?

Paradoxalement, dans la société indienne traditionnelle, berceau du yoga, la majorité des pratiquants et des enseignants du yoga étaient des hommes. Les sages qui développèrent en Inde, il y a environ 2000 ans, les six grands darshanam-s (ce qui signifie ‘point de vue’ et peut se traduire par philosophie), étaient de sexe masculin. D’autre part, l’accès à l’enseignement, en particulier l’étude des Veda-s, était réservé principalement aux garçons. Même de nos jours, la cérémonie du cordon, l’upanayam, un rituel au cours duquel les élèves aspirants sont officiellement initiés aux études védiques, est réservé aux garçons. Traditionnellement, les membres de la classe des shudra-s (manuels) et les femmes, étaient exclus de ce système d’enseignement.

Une des matières enseignées dans ces gurukula-s (système d’enseignement traditionnel) étant le yoga, il n’est pas étonnant que la plupart des acharya-s (maîtres) qui enseignaient le yoga aient été des hommes. De là à en déduire que seuls les hommes sont aptes à recevoir l’enseignement du yoga et des Veda-s, il n’y a qu’un pas. Sans doute, les « traditionalistes » qui ont soutenu ce point de vue avaient-ils le souci de préserver aussi longtemps que possible une organisation sociale ancienne qui leur semblait la seule capable de favoriser l’épanouissement de telles recherches. Plusieurs questions se posent alors : le yoga doit-il être enseigné en dehors de son contexte traditionnel et peut-on l’apprendre sans passer de longues années à étudier les textes de la tradition indienne ? Un yoga authentique peut-il être enseigné aux femmes ?

Pour trouver réponse à ces questions nous n’avons heureusement qu’à nous adresser à la tradition indienne elle-même qui propose aux Occidentaux hors castes, femmes ou hommes que nous sommes, des solutions très positives. D’abord, quelques exceptions existaient déjà dans les temps anciens concernant cette interdiction pour les femmes d’accéder à l’enseignement du yoga et des Veda-s. Certains textes classiques (La Yogayâjñavalkya Samhitâ et la Shiva Samhitâ) nous apprennent que de grands sages comme Yajñavalkya et le divin Shiva enseignèrent les Veda-s et le Yoga à leurs épouses Gargî et Parvatî. Dans le Ramayana, grande épopée classique et l’un des fondements de l’hindouisme, Kausalya, la femme de Dasharatha, pratique le prânâyâma (contrôle du souffle).

Il semblerait donc que la prédominance des hommes dans le domaine du yoga dans l’Inde traditionnelle ne soit pas la conséquence d’une quelconque inaptitude des femmes à la pratique de cet art. Leur absence dans ce domaine ne relève pas d’une déficience de la nature féminine, mais plutôt d’un certain type d’organisation sociale à l’intérieur duquel la femme n’accédait pas aux études.

Shrî T.K.V. Desikachar cite à ce sujet son père, Shrî Krishnamacharya, yogin contemporain fort vénéré en Inde, qui quitta son corps en 1990, à l’âge de 101 ans. Ce grand yogin, descendant d’une lignée ininterrompue de yogins fondée par Nâthamuni, un saint vaishnavite de l’Inde du Sud qui vécut au neuvième siècle de notre ère, est considéré comme l’un des garants de cette tradition. Ce grand sage a su respecter les règles fondamentales du yoga et de l’hindouisme en évitant l’immobilisme et en manifestant beaucoup d’indépendance et une grande ouverture d’esprit. Il possédait des connaissances approfondies dans de nombreux domaines : médecine ayurvédique, sanskrit, astrologie, et les philosophies indiennes traditionnelles (Vedânta, Mîmâmsâ, Nyâyâ,Vaisheshika, Sâmkhya, Yoga).

Tout en étant un des gardiens les plus respectés en son temps des traditions indiennes, Shrî Krishnamacharya innovait sans cesse et cherchait toujours à adapter les règles séculaires aux circonstances et besoins contemporains. Pour lui, la plus grande aspiration de l’homme devait être de servir la société, de comprendre et de partager la sagesse suprême. C’est ainsi qu’il fut l’un des premiers à enseigner le yoga aux étrangers et aux femmes. Voici son avis sur l’aptitude des femmes à pratiquer le Yoga : « Ceux qui parlent de discrimination entre les hommes et les femmes doivent réétudier les Yoga-Sūtra-s. Dans quel aphorisme (sūtra) une telle discrimination est-elle préconisée ? En fait ce sont les femmes, et non les hommes, qui porteront le flambeau du Yoga et de l’ordre (dharma). » Voici donc les femmes non seulement autorisées à pratiquer et transmettre le yoga, mais surtout élevées à la place
d’honneur par l’un des experts les plus honorables de cette discipline.

Le yoga au féminin

Chacune des différentes étapes de la vie d’une femme est accompagnée de transformations physiques et psychiques importantes et beaucoup plus apparentes que les changements qui marquent la vie des hommes. A chacun de ces tournants, la femme est appelée à une prise de conscience profonde de son corps et de son attitude face à celui-ci. Ces transformations ne sont pas toujours faciles à accepter. Le Yoga peut assurément aider les femmes à mieux maîtriser leur corps et leur mental au cours d’une vie jalonnée de métamorphoses. Il peut leur permettre de mieux vivre les temps de crise qui accompagnent parfois ces changements.

Quelles sont donc ces différentes étapes de développement ?

Yoga et adolescence

La première étape de la vie correspond à une phase d’intense développement, durant laquelle il faut favoriser la croissance avec une approche du yoga nommé srishthikrama. Cette période se situe entre 13 et 25 ans, lorsque la jeune fille se transforme en femme : apparition des règles, gonflement des seins, croissance des poils pubiens. Le corps change très vite et des problèmes de peau, de poids, de menstruation peuvent apparaître et être plus ou moins bien acceptés. Il y a également un bouillonnement d’énergie, une agitation incessante et une attraction vers les choses extérieures. Les relations avec l’entourage peuvent devenir difficiles. Comment le yoga peut-il aider concrètement une adolescente afin qu’au lieu de subir ces transformations (et de les faire subir à son entourage) elle puisse se développer en harmonie ?

Prenons deux exemples : les difficultés liées à la menstruation et les problèmes d’agitation qui peuvent sérieusement handicaper les performances scolaires.

Si les règles sont trop abondantes, ceci peut correspondre à un excès de chaleur dans le corps. La pratique de yoga doit alors proposer des postures de type langhana, c’est-à-dire calmantes, comme viparîtakaranî ou sarvângâsana (postures inversées) et d’autres postures qui concentrent leurs effets sur les organes de reproduction (dvipâda pîtham, mahâmudrâ, baddha konâsana). Les techniques respiratoires qui favorisent l’expiration (anuloma ujjâyî) ainsi que shîtalî (la rafraîchissante) peuvent aussi aider. Par contre, si les règles sont absentes ou irrégulières, il faut réchauffer le système en introduisant des rétentions du souffle après l’inspiration et l’expiration dans les mêmes postures que celles citées ci -dessus.

Pour aider à canaliser l’énergie débordante des adolescentes, on peut leur proposer une pratique composée d’enchaînements de postures codifiés (vinyâsa krama), très dynamiques, qui correspondent à cette étape de la vie où il faut de la vitesse et de l’expansion. En répondant à ce besoin, la pratique de yoga permet d’augmenter la confiance en soi, car l’adolescente apprend dans de tels enchaînements à maîtriser son corps, son souffle et ses émotions.

Yoga et maturité de la femme

L’étape suivante de la vie d’une femme entre 25 et 45 ans s’appelle sthiti et le yoga correspondant est nommé shikshanakrama dont l’objectif est la perfection. C’est une période de stabilité et d’accomplissement au cours de laquelle un grand nombre de femmes
connaissent la maternité. La grossesse est considérée comme un évènement d’une extrême importance par la tradition indienne. Voici ce que Nâthamuni, yogi ayant vécu dans le sud de l’Inde au neuvième siècle et fondateur de la lignée de yogis vaishnavites dont descendent Shrî T. Krishnamacharya et Shrî T.K.V. Desikachar, dit au sujet des femmes : « Ce sont elles et leur corps qui sont la cause de l’évolution et de l’expansion du monde, car ce sont elles qui procréent. »

Le Yogarahasya (Le Secret du Yoga) de Nâthamuni, retrouvé et remis en circulation par Shrî T. Krishnamacharya, souligne l’importance de la pratique du yoga pour les femmes. Celles-ci sont considérées comme particulièrement aptes à la pratique du yoga : « Comparées aux hommes, les femmes ont plus besoin de pratiquer le yoga parce que leur corps est responsable de la lignée filiale » (Yogarahasya, I, 14)

« Elles offrent sa protection à la semence mâle, pour cela leur corps est appelé le champ. Cette semence est inutile dans une terre polluée par des vers, des insectes et d’autres organismes indésirables » (Yogarahasya, I, 15)

« Le corps d’une femme malade ne remplit pas son rôle -celui de la conception – c’est pourquoi toutes les femmes dans le monde ont d’autant plus le droit de pratiquer le yoga. » (Yogarahasya,I, 16)

L’aspect thérapeutique du yoga est souligné dans ce texte, selon lequel même les maladies apparemment incurables peuvent être détruites par une pratique appropriée. Même de nos jours, à Madras, nombreux sont les médecins qui travaillent en collaboration avec le Krishnamacharya Yoga Mandiram (école de Yoga fondée par T.K.V. Desikachar, le fils de Shrî Krishnamacharya), et qui obtiennent des résultats très encourageants.

Même ceux qui refusent de réduire la femme à son rôle de génitrice peuvent comprendre le bien-fondé du point de vue du Yogarahasya. En effet, si la femme est beaucoup plus qu’une « usine à bébés », son corps est conçu pour cela et la procréation restera toujours une fonction essentielle. Il s’agit donc, pour le Yogarahasya, de garantir par le yoga une excellente santé à ce « champ » qu ‘est le corps féminin, afin que ses fruits soient beaux et en bonne santé. Soit dit en passant, si dans notre société les femmes se sont « émancipées » par rapport à leur rôle traditionnel de « gardiennes du foyer », il y aurait sans doute beaucoup à revoir dans nos habitudes en ce qui concerne la purification et l’entretien du « champ géniteur » que souhaitent rester, malgré tout, la plupart d’entre elles. Notre mode de vie sédentaire, l’abus de médicaments, de substances chimiques, d’hormones, une alimentation non adaptée à nos besoins réels, ne sont sans doute pas ce qu’il y a de mieux pour la préservation d’un génome sain. Heureusement, comme nous l’indiquent le Yogarahasya ainsi que d’autres textes et traditions, les solutions existent !

Pour la tradition indienne, le rôle de la femme en tant que génitrice n’est pas seulement primordial du fait que les naissances permettent de perpétuer la race. En effet, chaque naissance d’un être humain est considérée comme un cadeau très précieux car en renaissant comme être humain on a la possibilité de se libérer du cycle des morts et des naissances. Seuls les êtres humains, dans la création, ont la possibilité d’accéder à un niveau de conscience supérieur. Cette libération (kaivalya) est ressentie comme connaissance de l’absolu et union avec lui : l’être libéré ne subit plus les conditionnements qui l’enchaînaient à la matière, et son
esprit est immergé dans la béatitude. Si cette possibilité est offerte à tout être humain, on comprend l’enjeu énorme que représente chaque naissance. En tout cas, les anciens sages de l’Inde l’avaient compris, et l’importance accordée au corps de la femme en tant que « champ » n’a rien de réducteur. C’est au contraire la reconnaissance d’une des missions fondamentales et universelles de la femme : créer en elle-même les conditions optimales pour que les êtres humains nés d’elle aient les meilleures chances d’atteindre au cours de leur vie, la réalisation de soi.

Yoga, femme et enfant

Le Yogarahasya nous informe également sur l’état du fœtus avant la naissance. Selon la théorie de la réincarnation, l’être qui a choisi de se réincarner se souvient de ses vies antérieures et conserve sa conscience divine, tant qu’il est dans le ventre maternel. Cependant « dès que l’enfant est exposé aux vâyu (souffles, énergies) du monde extérieur, il oublie immédiatement son passé et perd sa conscience divine » (Yogarahasya I, p. 64)

Plusieurs sloka-s décrivent ensuite les souffrances de l’enfant dans l’utérus et après la naissance, du fait de sa totale dépendance :
« Enveloppé par l’obscurité d’ajñâna (l’ignorance) il se demande : « d’où je viens, qui je suis, où je dois aller et quelle est ma nature ? »
« Quelle est cette servitude qui m’accable ? » se demande l’enfant. « Quelle en est la cause et quelle n’en est pas la cause ? Que dois-je faire ou ne pas faire ? Que dois-je dire ou ne pas dire ? »
« Qu’est-ce qui est dharma (l’ordre, la loi) et adharma (contraire à l’ordre) ? Comment dois-je vivre et où ? Que dois-je faire ou ne pas faire ? Qu’est ce qui est vertueux ou diabolique ? » « Les personnes ignorantes, qui sont occupées par le sexe et la satisfaction de leur estomac, sont considérées comme égales aux animaux et mènent une vie de souffrance (duhkha). »

En se basant sur cette description des souffrances physiques et morales des nourrissons, ne peut-on reconnaître aux femmes une autre mission essentielle : rassurer leurs enfants, les aider à distinguer entre ce qui est dharma et adharma, vertueux ou diabolique. Mais pour cela, encore faut-il qu’elles soient elles-mêmes engagées sur une voie d’évolution leur permettant de se distinguer des « personnes ignorantes, occupées par le sexe et la satisfaction de leur estomac » et qu’elles aient, elles-mêmes, des éléments de réponse à ces interrogations. De cette manière, leur enfant, mis en contact avec le monde, ne se laissera pas submerger par le
désir de satisfaire ses sens, ce qui mène à duhkha (la souffrance). Ici encore, apparaît avec
évidence l’importance primordiale de la pratique féminine du yoga.

La pratique du yoga par les femmes enceintes

Outre leur rôle primordial en tant que génitrices et éducatrices, la grossesse offre aux femmes une excellente occasion d’approfondir la conscience de leur corps et des relations corps/psychisme, et plus généralement la conscience de leur attitude face à la vie et à sa transmission. Pas étonnant que les bouleversements physiques et psychologiques vécus pendant cette période ne puissent pas toujours être abordés en toute sérénité. Heureusement, la pratique du yoga s’avère une aide précieuse pour préparer le corps et apaiser le mental.

Une pratique de yoga pour femme enceinte doit tenir compte de nombreux facteurs. Certains sont généraux :

  • poids et volume inhabituels de l’abdomen et de l’utérus, augmentation du volume sanguin et leurs conséquences : risque de maux de dos, sciatiques, mauvaise circulation,
  • autres problèmes liés à la grossesse : constipation, aigreurs d’estomac, nausées, fatigue, insomnie, essoufflement, baisses de tension, etc.

D’autres facteurs sont plus individuels :

  • âge, activité professionnelle, rythme de vie, activités physiques et sportives, problèmes de santé fréquents (hors grossesse), nombre de grossesses antérieures, etc.

Une fois ces différents paramètres évalués, il faut tenir compte des contre-indications générales : toute femme enceinte doit éviter :

  • les efforts musculaires intenses, rapides et excessifs,
  • les extensions,
  • les postures à plat ventre,
  • les postures inversées,
  • les sauts,
  • les compressions,
  • les grandes flexions vers l’avant en fin de grossesse et les torsions.

Sa pratique s’orientera plutôt vers :

  • tout ce qui favorise une mobilisation douce de la colonne vertébrale,
  • l’ouverture des hanches,
  • l’inversion des jambes sans inversion du tronc,
  • l’équilibre,
  • une meilleure irrigation sanguine dans la zone pelvienne,
  • la réduction de la courbure lombaire,
  • la respiration profonde,
  • l’intériorisation conduisant vers des expirations plus longues que les inspirations.

D’autre part, il faut distinguer trois périodes pendant la grossesse, correspondant en gros aux trois trimestres. Pendant le premier trimestre, la grossesse n’est pas encore stabilisée, la femme enceinte doit apprendre à ne pas se surmener et à respecter le besoin de repos de son corps. La pratique de yoga ne doit pas être trop longue. Il convient d’éviter les postures inversées, les flexions arrière couchées sur le ventre, les torsions assises. En revanche sont recommandés : des mouvements de bras, des flexions avant faciles, couchées sur le dos ou en assise, la respiration shîtalî (qui peut aider en cas de nausées). L’utilisation de sons doux, longs, comme A ou MA sont également très apaisants et bénéfiques à ce stade de la grossesse.

Le second trimestre est en général le plus confortable. La femme enceinte peut intensifier sa pratique, tout en évitant les mêmes postures qu’au premier trimestre. Elle devrait également intégrer plus de postures debout dans sa pratique pour commencer à se fortifier en prévision des gros efforts qu’elle devra fournir pendant l’accouchement. Des respirations longues, favorisant l’expiration, shîtalî et l’utilisation des sons restent recommandés. Les visualisations (la pleine lune ou une lumière à travers une surface blanche) permettent de calmer les anxiétés liées à la grossesse et de développer une attitude positive, accueillante et confiante.

Pendant le dernier trimestre, la femme enceinte doit s’orienter vers une pratique plus intense, avec assouplissement de la région pelvienne pour bien préparer l’accouchement. Bien entendu, les mêmes postures sont à éviter que lors des mois précédents et il faudra aussi abandonner les postures que le volume de l’abdomen rend inconfortables et irréalisables. Les postures qui favorisent la détente des jambes et du bas du dos sont recommandées. C’est pendant cette période que se manifeste un grand nombre de problèmes individuels liés à la grossesse, d’où l’importance d’une adaptation personnelle de la pratique sous la direction d’un professeur compétent. La respiration doit s’orienter vers la détente pour aider la femme à mieux envisager le déroulement de l’accouchement et à mieux supporter la douleur et les émotions ; elle peut utiliser des sons pour allonger l’expiration et shîtalî pour réduire les problèmes de corps chaud. Les visualisations sont toujours très bénéfiques à ce stade.

Tout au long de sa grossesse, la femme peut donc adapter sa pratique du yoga afin de répondre aux exigences et aux nécessités de son état. Le pratique du yoga ne donne pas l’assurance à cent pour cent que tout se passera bien pendant l’accouchement, mais elle
permet de préparer la femme physiquement et psychologiquement à cet événement, et de mettre toutes les chances de son côté. D’autre part, l’accent mis sur la respiration, sur la détente et sur les visualisations apaisantes permet de développer un état d’esprit positif, ainsi la femme enceinte a-t-elle plus de chances de s’en remettre « aux forces supérieures » en ce qui concerne les paramètres incontrôlables de la grossesse et de l’accouchement. Ce recul par rapport aux événements, qui n’a rien à voir avec l’indifférence, ne peut qu’influencer favorablement le déroulement de la grossesse.

Yoga et femme âgée

La dernière étape de la vie d’une femme, appelé antya yoga, commence autour de la ménopause. C’est une phase qui est souvent mal vécue par les femmes en Occident, où on a tant exalté la jeunesse, et donc la sexualité et la fertilité. Pourtant cette période de la vie est porteuse de grandes richesses pour les femmes capables de se distancier par rapport aux stéréotypes féminins de notre société. Cette période est avant tout le moment privilégié pour reconnaître que tout dans cette vie est transformation (parinâma). Que nous le voulions ou non, nous sommes embarqués sur ce fleuve fait de changements, alors mieux vaut ne pas trop secouer la barque par nos révoltes, et ne pas essayer désespérément de remonter le fleuve. Le yoga peut nous apprendre, tout d’abord, à accepter cela.

Bien entendu, il n’est pas facile d’accepter la diminution de nos forces, l’infertilité, l’apparition des signes de la vieillesse. La femme a le choix : si elle se braque pour préserver les « signes extérieurs de la jeunesse », elle n’en finira pas de faire la ronde des différents
instituts de beauté, de remise en forme, etc. Peut-être même sera-t-elle tentée d’utiliser le yoga pour retarder les effets du vieillissement, et peut-être même cela sera-t-il efficace, jusqu’à un certain point. Mais est-ce vraiment l’objectif du yoga ?

Il est certain qu’une bonne santé et une vie longue sont des résultats que l’on peut espérer en pratiquant le yoga. Et ce sont des aspirations tout à fait justifiées. Cependant, à ce stade de sa vie, une femme peut aussi se demander pourquoi elle souhaite longue vie et bonne santé : est-ce pour continuer à faire semblant d’avoir vingt ans, ou pour avoir le temps de cultiver une autre dimension que toutes ses responsabilités de femme active et de mère ne lui avaient pas laissé le temps d’approfondir auparavant ?

Le yoga peut aider les femmes à découvrir et approfondir la dimension spirituelle. D’abord, comme je l’ai dit, en acceptant le caractère impermanent de toutes les manifestations de la vie. La femme pourra ensuite orienter sa pratique vers une dimension plus intérieure en donnant plus d’importance au prânâyâma, à la méditation, à l’étude de textes sacrés et au lâcher prise. Il est même possible qu’apparaissent alors des « effets secondaires » plus physiques liés à une meilleure détente (beauté, santé). Tant mieux, qui refuserait un tel cadeau ? Mais le trésor caché dans une telle pratique est l’affinement de qualités plus subtiles : connaissance de soi, capacité d’écoute, patience, paix de l’esprit, ouverture du cœur…

En conclusion

…Mesdames, Mesdemoiselles, à vos tapis.

Les femmes, j’espère vous en avoir convaincu, ont tout intérêt à pratiquer le yoga, à tout âge. Si les femmes doivent, comme l’a prédit Shrî T. Krishnamacharya, porter le flambeau du yoga dans le monde moderne, n’est-ce pas pour que, ayant bénéficié des immenses bienfaits de cette discipline, elles sachent retrouver auprès des hommes leur rôle de muse et d’inspiratrice, les incitant à découvrir les qualités plus intérieures de leur propre nature.

Ainsi hommes et femmes, ensemble, pourront faire évoluer le monde vers plus d’écoute, de tolérance, de paix.

Bernard Bouanchaud